Vers un système alimentaire bas-carbone : que nous dit le rapport du Haut Conseil pour le Climat ?
1. Un système alimentaire sous pression : le double enjeu du climat et de la sécurité alimentaire
Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) du Senat rappelle que l’alimentation est l’un des secteurs les plus exposés au changement climatique, mais aussi l’un de ceux qui contribuent le plus au réchauffement. Selon les données présentées dans le résumé exécutif du rapport (pages 6 à 8), 22 % de l’empreinte carbone totale de la France provient du système alimentaire, depuis la production agricole jusqu’à la consommation.
Les impacts climatiques sont déjà visibles : pertes de productivité, stress hydrique, événements extrêmes, dégradation des sols et baisse du stockage naturel du carbone. Le rapport souligne que la France devra s’adapter à un climat plus chaud de +2 °C dans les prochaines décennies, avec des risques d’atteindre +4 °C à plus long terme. Les agriculteurs, et en particulier les exploitations fragiles, sont en première ligne face à ces bouleversements.
La transition alimentaire est donc indissociable de l’objectif national de neutralité carbone d’ici 2050. Elle implique simultanément de réduire les émissions, d’augmenter la capacité des sols à stocker du carbone et de renforcer la résilience des pratiques agricoles.
2. Des freins économiques et sociaux qui ralentissent la transition
Le HCC identifie plusieurs verrous qui expliquent la lenteur de la transformation du système alimentaire.
Coûts élevés pour les agriculteurs : Modifier les pratiques (agroécologie, diversification, réduction des intrants) suppose des investissements matériels et techniques importants. Certaines transitions peuvent entraîner une baisse provisoire des rendements.
Dépendance aux filières et à l’agroindustrie : La transformation ne peut réussir sans réorganiser la logistique, les infrastructures, les outils de transformation et les chaînes de distribution.
Hausse de la précarité alimentaire : Le rapport rappelle que la précarité alimentaire progresse en France, ce qui rend plus complexe la mise en place de mesures visant à améliorer la qualité nutritionnelle et environnementale sans alourdir le budget des ménages modestes.
Manque de cohérence des politiques publiques : Les politiques agricole, alimentaire, climatique et commerciale ne sont pas suffisamment coordonnées. Certaines incitations soutiennent encore des modèles intensifs incompatibles avec la neutralité carbone.
Ces obstacles expliquent pourquoi, malgré une volonté affichée, les transformations peinent à s’installer durablement.
3. Les leviers pour décarboner notre alimentation
Le rapport propose une feuille de route structurée en trois grands axes.
Réduire les émissions du système alimentaire : Cette réduction repose sur la baisse du méthane issu de l’élevage, une meilleure gestion de l’azote (l’un des principaux leviers identifiés), une énergie plus sobre dans les industries agroalimentaires et une réduction significative du gaspillage alimentaire.
Augmenter le stockage de carbone dans les sols : Les sols français constituent un gisement important. Les leviers incluent les haies, les prairies permanentes, l’agroforesterie, les rotations diversifiées et la couverture végétale des sols. Ces pratiques renforcent aussi la biodiversité et la résilience territoriale.
Adapter l’agriculture et l’alimentation aux nouveaux climats : Cela passe par une gestion plus efficiente de l’eau, de nouvelles variétés résistantes, une meilleure anticipation des risques, et une organisation renouvelée des filières locales.
Le rapport souligne également l’importance de la transformation des régimes alimentaires : davantage de végétal, une consommation plus raisonnée de produits animaux, et un accès élargi à des produits durables et abordables.
4. Recommandations structurantes du Haut Conseil pour le Climat
Le HCC propose des orientations précises.
Coordonner les politiques publiques : Les politiques agricoles, alimentaires, climatiques et sanitaires doivent fonctionner conjointement. Les collectivités sont encouragées à élaborer des stratégies alimentaires locales cohérentes avec les objectifs nationaux.
Soutenir financièrement les agriculteurs : Il s’agit d’accompagner les investissements bas carbone, la transition agroécologique, la relocalisation des filières et les infrastructures favorisant la résilience climatique.
Garantir le caractère socialement juste de la transition : L’accès à une alimentation durable pour les ménages modestes est un enjeu central. Le rapport évoque des solutions comme les chèques alimentaires durables ou une meilleure prise en charge des coûts dans les cantines scolaires.
Lutter contre la déforestation importée : Une part importante de l’empreinte carbone alimentaire française provient de produits importés comme le soja, la viande ou l’huile de palme. Le HCC recommande une traçabilité renforcée et des politiques commerciales cohérentes.
5. Ce que cela signifie pour les territoires du Puy-de-Dôme
Pour des territoires ruraux comme l’Artense ou le Sancy, ces conclusions ouvrent des perspectives très concrètes.
Renforcer les filières locales : Circuits courts, transformation de proximité, serres collectives, maraîchage citoyen, agroécologie… autant de leviers pour réduire l’empreinte carbone et améliorer l’autonomie alimentaire.
Préserver les paysages et les sols : Les haies bocagères, les prairies naturelles, les zones humides et la gestion raisonnée de l’eau sont des infrastructures de résilience essentielles.
Mobiliser les acteurs culturels et citoyens : La transition alimentaire est aussi culturelle. Les festivals, animations patrimoniales, initiatives locales et dynamiques associatives orientent les sensibilités vers une alimentation durable, ancrée dans le territoire.
Conclusion : un rapport qui appelle à une mobilisation collective
Le rapport du Haut Conseil pour le Climat dresse un diagnostic clair. Le système alimentaire français doit devenir bas carbone, résilient et juste pour affronter les défis climatiques. La transformation est complexe, coûteuse et parfois contradictoire avec les réalités sociales, mais elle est indispensable.
Les territoires ruraux ont un rôle déterminant à jouer. Par leur capacité d’innovation locale, leurs patrimoines naturels et leurs réseaux associatifs, ils peuvent devenir les moteurs d’une transition alimentaire ambitieuse et inclusive.

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Quels leviers en faveur d'une alimentation bas carbone ? Une synthèse du Haut Conseil pour le Climat